Commercial : un métier bandant.
Je suis accoudé au parapet d’un pont sur la Seine. Alexandre III. Je ne sais même pas qui est ce type, et c’est sans doute consternant. Mais je vis avec. Le soleil me chauffe le visage. Le vent frais me rafraîchit les idées, c’est comme d’être sous une cascade je pense. Oh c’est beau ! On sent la fraîcheur, on l’apprécie, on a envie d’être toujours ainsi. Oh comme c’est beau ça aussi !
Une péniche s’écoule doucement sur la Seine, sous le pont. Ce sont deux péniches en fait, cargo, emplies de tas de graviers, très basses sur l’eau. D’ailleurs, la Seine passe presque par-dessus le bord.
Quand je relève la tête le soleil est derrière les nuages. Des ombres passent sur les hauts bâtiments du Louvre que l’on aperçoit plus loin. Devant les Invalides volent quelques cerfs. Des cerfs que l’on dit volants, mais on ne le dit plus lorsque cela fait répétition. La Tour Eiffel est cachée par une pile du pont Alexandre III fois plus longtemps. Et ça dure… Le vent forci. Derrière moi s’étale le Grand Palais, telle une immense bête tapie près de l’eau d’un ruisseau. Sous mes pieds s’étale le port des Champs Elysées. Et partout autour de moi, des bons touristes, bien comme il faut : l’appareil numérique vissé au poignet. D’ailleurs ils ont raison, si j’avais le mien, je ne me priverais certainement pas. C’est tellement beau Paris ! C’est tellement beau Paris… C’est…
Hier à la même place déjà, de désoeuvrement je voyais voler les freesbees. Trop de figures, les bonshommes étaient vraiment bien doués. Les galettes roulaient sur leurs bras, tournaient autour de leurs doigts, volaient dans leurs mains, c’était pas mal fait.
Voilà, et moi je me balade, je ne fais rien. Excusez-moi, je fais sciemment rien du tout, et cela m’occupe déjà bien. Car finalement, vous vous en êtes sans doute rendu compte, c’est tout un projet de ne rien faire. Car on ne fait jamais rien. On fait toujours quelque chose. Et donc, moi, je fais rien. Et ça me plaît pas mal entre deux rendez-vous comme ça, de ne rien faire. Flâner. Je pourrais effectivement dire que je flâne. En serais-je plus considéré, plus considérable ? Ah, que de tracas et considérations pour finalement bien peu de choses.
Et avant-hier, j’étais sur les marches de l’église de la Madeleine, assis à contempler la circulation parisienne de la rue Royale. Franchement, elle est pas belle la vie ? C’est quand même bien fait d’être commercial dans le 8ème.