Promenade champêtre
Heureusement, on est jamais à quelque chose près avec les PTT
Je rentre
dans le bureau de poste. Quelques personnes font la queue. Je me range derrière
elles quand un bonhomme m’aborde.
-
« Bonjour, vous avez deux pièces de dix centimes ? » et il me tend
une pièce de vingt.
-
« ??? »
-
« C’est parce que je veux aller à la machine, ils font pas ce que je veux
là. »
-
« Ah… Non, j’ai pas. »
Il
demande à celle qui me précède. Elle lui sort deux pièces. Alors il sort une
autre pièce de vingt, passe à celle qui précède celle qui me précède.
-
« Bonjour, vous avez deux… »
-
« Oui, oui, je regarde. »
-
« J’en ai une… C’est tout, désolé. Ca peut vous servir ? Je ne suis
pas à dix centimes près. »
-
« Merci. »
Quelques
mètres plus loin.
- « Bonjour
Madame, qu’est ce que vous venez faire là SVP ? » demande un gars à
l’entrée. Il porte une chemise à fleur. Il faut le deviner qu’il est de la
poste. Moi je le sais parce qu’il est sorti d’une porte qui à l’air de donner
sur des bureaux. La dame
lève les bras, genre comme si elle avait rien fait.
- « Euh…
Je viens retirer de l’argent. »
- « Oui
bah justement c’est pas possible. C’est pour ça que je suis là. Faudra repasser
demain à 8h00, désolé. »
- « Demain ?
Oh, mais comment je vais faire moi ? Et les autres postes, vous savez
je ne suis pas à cent mètres près.»
-
« Non, c’est une grève surprise aujourd’hui, les bureaux sont
fermés ».
- « la Poste.Euh,
bah je vais à la Poste. »
- « Oui,
mais pourquoi faire. »
- « Bah,
c’est pour prendre de l’argent. »
- « Oui
justement aujourd’hui c’est pas possible, faudrait repasser demain à 8h00. »
- « Demain ?
Mais c’est juste là que c’est fermé ? Je peux aller à une autre poste
non ? »
- « Non
non, nous faisons grève aujourd’hui, tous les bureaux financiers sont fermés. »
- « Oh
là là ! Mais ça marche avec ça ? », il sort sa carte bleue.
- « Oui
oui, vous pouvez y aller, on a bien rempli les distributeurs pour ça justement. »
- « Vous
m’avez tourneboulé tout à l’heure, j’avais aussi un courrier à envoyer. »
- « Ah,
bah vous pouvez faire la queue alors, il n’y a qu’un seul guichet ouvert
aujourd’hui. »
- « C’est
pas grave, je ne suis pas à dix minutes près. »
Petites indications pour rater un train dans les grandes largeurs.
Aujourd’hui,
nous changions d’heure. Aujourd’hui nous avons raté le train. De là à penser
que nous avons raté le train à cause de ce changement d’heure ! Il y a
loin.
Donc,
comment rater un train ? C’est une affaire délicate, alors mettez tous les
atouts de votre côté.
Première
chose : ne
pas prendre les billets à l’avance. Pour cela, si vous êtes sollicités, trouver
une raison bénigne du style « oui, non, je ne sais pas trop si je serai
disponible, faut que je regarde dans mon agenda mais là je sais pas où il est…
Mais t’as qu’à les prendre quand même les billets si tu veux. Au pire on se les
fera rembourser. D’ailleurs tu l’aurais pas vu mon agenda ? ». S’arranger
pour que cette discussion ait lieu lorsque les intéressés sont dans des pièces
différentes occupés à diverses tâches domestiques. Après ça normalement, vous
êtes tranquille, votre femme/compagne, ne prendra pas les billets.
Deuxième
chose : ne
pas se renseigner sur les moyens de transports disponibles pour se rendre à la
gare. Toujours rester dans le vague. Exemple :
- Oui
bah on prend la ligne 14 et on y est direct. On n’a qu’à partir genre une
demi-heure avant le départ et c’est bon. Ouais OK, ¾ d’heure si t’insiste, pour
être sûrs.
- Si
la ligne 14 marche…
- …
Bien sûr,
et si un 747 ne s’est pas écrasé sur la Gare St Lazare.
Donc ça
c’est fait... Vous connaissez les lignes de métro, pas besoin de vérifier votre
parcours sur Internet. Nickel.
Troisième
chose :
faire la fête la veille, ça éclaircit toujours les idées.
Quatrième
chose : se
trouver avec moi. C’est toujours beaucoup mieux lorsque vous souhaitez voir
partir les bus/métros dès que vous arrivez sur le quai ou aux abribus.
Cinquième
chose : Eviter
les solutions simples et coûteuses, vous ruineriez vos chances. En
l’occurrence, ne pas choisir de prendre un taxi lorsque vous constatez que la
ligne 14 est effectivement fermée. Choisir de courir avec les sacs jusqu’à la
gare d’Austerlitz pour prendre le RER C jusqu’à Invalides puis changer et
prendre la ligne 13 jusque Gare St-Lazare. Choisir un changement long de
préférence. Avec trottoir roulant. C’est tellement plus fun. Comme, ayant bien
prévu votre coup, vous êtes avec moi, vous venez d’ailleurs de louper le RER et
attendez le suivant. Là, essayer de se stresser un peu. Des phrases du genre
« C’est qu’on va finir par vraiment le rater là » sont bienvenues, et
assez génératrices d’énervement chez la partie adverse.
Sixième
chose : ne
surtout pas connaître trop la gare de départ, les parties réservées aux trains
de banlieue Ile de France et celles des trains grandes lignes.
Septième
chose :
Respecter scrupuleusement ce que vous avez toujours été éduqués à faire :
ne pas prendre un train sans avoir les billets. Chercher donc fiévreusement les
bornes grandes lignes perdues dans la gare pour se munir de billets. Et tomber
sur les bornes qui compostent les billets automatiquement pour « gagner du
temps ». Comme ça, si vous ratez le train, pas moyen non plus de vous
faire rembourser.
Huitième
chose : Se
séparer pour trouver les départs plus rapidement, et ne pas se retrouver. Ca y
est, vous êtes au bout de vos peines, le train s’ébranle lentement lorsque vous
arrivez essoufflés à la voie 27, située sur l’extrême droite du quai de départ
de la gare St-Lazare. Là, vous pouvez vous dire que vous avez vraiment bien
fait les choses. Là, vous pouvez laisser libre cours à vos émotions. Après ça,
se renseigner à tout hasard sur le prochain départ, qui a lieu vers 14h30,
alors que vous étiez conviés à un déjeuner.
Comme
souvent, la vie n’étant qu’un long recommencement, vous ne vous avouez pas
vaincu et saisissez la première idée qui vous traverse l’esprit : prendre
un taxi jusque Rouen.
Heureusement,
vos parents habitent à l’autre bout de Paris et possèdent une voiture que vous
pouvez emprunter. Vous choisissez cette fois le taxi pour vous rendre à
destination. Histoire de vous déculpabiliser de ne l’avoir pas fait plus tôt. Puis
vous prenez la voiture et arrivez finalement à Rouen avec 20 minutes de retard
sur votre horaire, pouvez profiter du déjeuner avant de repartir pour Paris et
de vous farcir les bouchons de la fin d’un dimanche après-midi, du côté de la
porte de St-Cloud.
Moralité :
si vous vous préparez bien, rien n’est impossible. Deuxième point : si
nous avions eu ce train je n’en aurais probablement pas fait un article.
Vittel Fraise
Il n’y a
pas bien longtemps, j’étais chez Jimmy. J’attendais peut-être Adrien, ou
Philippe, je ne sais plus trop. Trois personnes entrent dans le bar. J’étais au
comptoir. Je les vois passer dans mon dos, s’asseoir un peu plus loin. Puis les
deux gars reviennent commander. La fille est restée assise. Ils ont tout à fait
le style qui plaît à notre ex-ministre de l’intérieur. Casquette sur le crâne,
gros blousons sport, tennis aux pieds, pantalon de jogging, peau cuivrée.
Jusque là, je n’avais pas vraiment fait attention, remarquant juste que ces
gars là, ils avaient pas trop le style du quartier. Mais le gars commande avec
un bon accent à la Oxmo
Puccino et dit tout net :
- Eh
mon grand, tu me mets un Vittel Fraise STPlaît.
- Et
un Orangina pour moi ! suit l’autre.
En fait,
au début j’avais pas bien compris ce qu’il voulait le premier, avec son accent.
C’est quand Jimmy a ouvert son frigo pour sortir la petite bouteille de Vittel
que j’ai saisi. Il avait déjà mis la fraise au fond du verre. J’ai trouvé ça
beau de prendre un Vittel Fraise. Et la façon dont-il l’a demandé aussi j’ai
trouvé ça super chantant. Moi au début j’avais compris : « tu me mets
une vite et une fraise STPlaît ». Alors bien sûr, ça ne signifiait pas
grand-chose.
Je me demande pourquoi un Vittel Fraise. D’ailleurs, pourquoi un Vittel Fraise, pourquoi pas une Vittel Fraise. Et pourquoi pas deux en fait. Je me demande pourquoi il a pas dit : « une fraise à l’eau » par exemple. Parce que dans ce cas là, est-ce qu’on demande aussi : « un Perrier Pêche », ou bien « un Cristalline Cassis », ou encore « un Volvic Vanille » ? Je ne crois pas. J’ai l’impression que le Vittel Fraise est un truc demandé de temps en temps, sinon, comment il aurait compris Jimmy ? Alors, pourquoi le Vittel Fraise ? Non parce que j’ai aussi appris que Vittel Fraise, c’était de l’eau à la fraise, commercialisée. Et c’est pas la même chose dans un bar. Parce que dans un bar, c’est de la fraise, je veux dire, du sirop fraise, avec de la Vittel nature.
La prochaine fois, j’essaie. J’arrive, je dis : « Salut ma gueule ! Un Pastis Coca, et vite STPlaît. »
PS. Au
fait, ne faîtes la moue, à Marseille ça à même un nom ce mélange : un
mazout.
Lisbonne
Ouais ! Une webcam !
Bon, comme cadeau de mariage, nous nous sommes aussi offert une webcam. C'est super une webcam non ? Comme ça vous pourrez voir si on se gratte le nez en vous parlant par exemple. C'est trivial mais essentiel je pense.
Oh ! Une caméra !
Technique du chinois, imparable.
Et donc, l'apparence du réel, pour autant que l'on se fie à la représentation symbolique dominante au paléolitihique supérieur...
Commercial : un métier bandant.
Je suis accoudé au parapet d’un pont sur la Seine. Alexandre III. Je ne sais même pas qui est ce type, et c’est sans doute consternant. Mais je vis avec. Le soleil me chauffe le visage. Le vent frais me rafraîchit les idées, c’est comme d’être sous une cascade je pense. Oh c’est beau ! On sent la fraîcheur, on l’apprécie, on a envie d’être toujours ainsi. Oh comme c’est beau ça aussi !
Une péniche s’écoule doucement sur la Seine, sous le pont. Ce sont deux péniches en fait, cargo, emplies de tas de graviers, très basses sur l’eau. D’ailleurs, la Seine passe presque par-dessus le bord.
Quand je relève la tête le soleil est derrière les nuages. Des ombres passent sur les hauts bâtiments du Louvre que l’on aperçoit plus loin. Devant les Invalides volent quelques cerfs. Des cerfs que l’on dit volants, mais on ne le dit plus lorsque cela fait répétition. La Tour Eiffel est cachée par une pile du pont Alexandre III fois plus longtemps. Et ça dure… Le vent forci. Derrière moi s’étale le Grand Palais, telle une immense bête tapie près de l’eau d’un ruisseau. Sous mes pieds s’étale le port des Champs Elysées. Et partout autour de moi, des bons touristes, bien comme il faut : l’appareil numérique vissé au poignet. D’ailleurs ils ont raison, si j’avais le mien, je ne me priverais certainement pas. C’est tellement beau Paris ! C’est tellement beau Paris… C’est…
Hier à la même place déjà, de désoeuvrement je voyais voler les freesbees. Trop de figures, les bonshommes étaient vraiment bien doués. Les galettes roulaient sur leurs bras, tournaient autour de leurs doigts, volaient dans leurs mains, c’était pas mal fait.
Voilà, et moi je me balade, je ne fais rien. Excusez-moi, je fais sciemment rien du tout, et cela m’occupe déjà bien. Car finalement, vous vous en êtes sans doute rendu compte, c’est tout un projet de ne rien faire. Car on ne fait jamais rien. On fait toujours quelque chose. Et donc, moi, je fais rien. Et ça me plaît pas mal entre deux rendez-vous comme ça, de ne rien faire. Flâner. Je pourrais effectivement dire que je flâne. En serais-je plus considéré, plus considérable ? Ah, que de tracas et considérations pour finalement bien peu de choses.
Et avant-hier, j’étais sur les marches de l’église de la Madeleine, assis à contempler la circulation parisienne de la rue Royale. Franchement, elle est pas belle la vie ? C’est quand même bien fait d’être commercial dans le 8ème.
Pour Manu !
La sereine soirée souriait sournoise
Le soleil cerné surnageait sur nos nez.
Sirènes fatiguées surfaces abîmées
Lasse reine moirée, Lille cherchait noise.
Alors que vivement s’allongeait l’ardoise
Ce soir européen sur nous s’est dessiné,
A l’hyperboréen l’îlien s’est mesuré
L’union mancunienne se montra matoise
Et le joueur il tire et là bon appétit !
Force est de constater que le geste est petit
Et si le coup fût franc, il n’était point charmant.
Si les noirs flamboyants, cela sent l’oxymore
C’est arbitrairement qu’un tel arbitre ment,
Alors pour le retour, cela semble aussi mort.
Décidément, une après-midi bien culturelle.
Cet après-midi, nous nous sommes aventurés dans la Galerie de Paléontologie et Anatomie Comparée. Et nous avons vu des trucs horribles. Bénédicte et moi on aime bien cette galerie, avec le parquet qui craque, les grandes fenêtres, les armoires vitrées, les squelettes au milieu. C’est tout vieux. On voit les vis qui tiennent les os, les papillons qui ressortent des têtes de fémur, les pots de formol à moitié vide parce que mal refermés, avec des trucs qui flottent dedans qu’on sait pas bien ce que c’est mais que ça a pas l’air très comestible.
Au rayon des horreurs : plein de trucs trop marrants, et d’autres super plus glauques. Genre estomac de tapir, oreille de chimpanzé, varan écrabouillé, squelette de fétus humain, chat cyclope, cochon avec une seule tête et deux corps…
...
Et puis au premier étage, les dinosaures. Avec des panneaux explicatifs tout droit sortis des classes primaires, du style exposé d’élèves studieux qui a essuyé un dégât des eaux.
...
Et puis on a vu aussi des crânes de tyrannosaure, bien gros. Et aussi un squelette de tigre à dents de sabre, un peu film d’horreur de mauvaise facture celui-là. Evidemment, à l’époque, Dieu n’existait pas bien sûr, et on s’en rend bien compte quand on voit de telles créatures. Tout juste si on ne l’entend pas ricaner après avoir foutu les jetons à une ancêtre brebis égarée.
...
...
A la fin de la visite, vers la sortie, un vieux cerf d’une espèce éteinte vers - 11 000 ans, tout poussiéreux, avec un crâne microscopique et des bois immenses, qu’on se demande comment il faisait pour lever la tête et pas avoir sans arrêt un torticolis. D’ailleurs, pas étonnant finalement que son espèce n’existe plus.
...
Et puis aussi une ammonite gigantesque, je ne sais pas comment ça se fait que ça ait existé des bestioles pareilles. On aurait pu se faire des repas de fruit de mer pendant une année au moins avec ça.
...
Décidément, une après-midi bien culturelle.